AVANT-PROPOS.
Le texte présenté ici ne reprend pas l'intégralité du mémoire déposé en juillet 94, afin d’être plus facilement lisible.
Le mémoire, soutenu à Paris le 12 juillet1994,
sous la présidence de Pierre-Marie Mesnier, a obtenu la mention
"très bien", assortie d'un encouragement à poursuivre ces
travaux et d'un voeu de publication.
Il s'intitule "Connaissance et reconnaissance d'un art et de
ses artisans: la réalisation sonore pour le théâtre".
"Connaissance et reconnaissance": On retrouve
ici comme un symbole de deux aspects de cette recherche. Tout d'abord ma
propre progression concernant mon implication dans ce travail. Ma première
démarche, que l'on pourrait presque qualifier d'égoïste,
était de mieux connaître mon métier et certains aspects
de l'audition, afin d'améliorer ma pratique quotidienne. Il s'agissait
là de développer ma connaissance personnelle, en prolongeant
des idées qui m'était apparues dans ma pratique. Puis, en
même temps que je prenais de la distance par rapport à ma
pratique, sans pour autant nier l'éclairage qu'elle me donnait tous
les jours, est apparue la volonté de participer au développement
de la reconnaissance sociale de mon métier, pour moi, les autres
réalisateurs son et les autres créateurs liés au spectacle
vivant.
Autre raison plus directe de ce début de
titre, je crois que pour qu'il y ait réelle reconnaissance
d'une profession, il faut qu'il y ait une meilleure connaissance
de celle-ci, d’où les deux chapitres essentiels de ce mémoire.
Le chapitre 2, pour amener une pierre de plus dans la connaissance de certains
aspects de la psychologie de l'audition du spectateur en condition de représentation,
le chapitre 3, pour mieux comprendre les sources de la non reconnaissance
actuelle et pour dégager des pistes pour modifier cet état
de fait.
"D'un art et de ses artisans" . cette séparation entre le domaine et ses acteurs est importante: en effet, le domaine du son au théâtre est ancien puisqu'il remonte à l'antiquité, sous forme d'interventions sonores réalisées par l'orchestre pour accompagner des mouvements de machinerie. Pour démarrer cette recherche, j'ai ressenti le besoin de situer le son au théâtre dans une progression historique. J’ai donc consulté divers ouvrages afin d'essayer de cerner les différentes formes que le son a pu prendre au théâtre pour mieux comprendre sa forme actuelle. C'est ainsi que j'ai pu dégager une rupture qui s'est produite avec l'arrivée du matériel électroacoustique dans les théâtres. Ainsi les responsables du son en tant que spécialistes restent sans statut social, et avec des compétences très modernes. ils sont finalement les représentants d'un métier assez récent, puisque cette spécialisation est apparue au théâtre avec l'arrivée du phonographe puis du magnétophone à bande. Auparavant, le son était géré par les accessoiristes et les machinistes qui manipulaient des machines provoquant ce qu'on appelait des "bruits de coulisses".
Dans mon titre, l'art est mis en avant, c'est lui qui est nommé, car le nom des artisans lui même n'existe pas encore officiellement, comme en témoigne son absence dans les conventions collectives se rapportant au théâtre, et réellement dans la pratique: les appellations actuelles sont très diverses. Technicien son, régisseur son, concepteur son, réalisateur sonore, créateur son, soniste!
Il faut également y voir un signe du travail qu'il reste à faire et auquel veut participer ce mémoire.
Enfin, la fin du titre précise qu'il s'agit bien de réalisation sonore pour le théâtre, secteur du son très particulier puisqu'il s'agit de travailler en vue d'une représentation directe, à laquelle participent acteurs et spectateurs, dans un même espace, dans un même temps. Le son doit participer à l'illusion, à l'espace de représentation qu'installent les costumes, le décor, les accessoires et les éclairages.
Bien sûr, ce travail de réflexion aurait peut-être pu se faire en dehors d'une recherche action officielle, simplement dans ma pratique. Mais il m'est apparu important, après cinq année d'expérience, de trouver une solution pour prendre du recul, de la distance par rapport à mon objet: cette distanciation est une condition impérative pour mener une bonne recherche et m'a permis de me ménager des parenthèses de regard presque extérieur, dans un métier au sein duquel la passion et les relations émotionnelles sont importantes et ne permettent pas toujours de rester neutre dans son analyse. De plus, cette recherche m'a amené à consulter des ouvrages que j'aurais sans doute totalement ignorés autrement.
Par exemple pour le premier volet de ce mémoire, qui consiste à montrer l'importance pour le spectateur d'un travail de sonorisation mené en cohérence avec le visuel. Pour mieux aborder cette perception du spectateur, il m'a fallu aller fouiller dans différents ouvrages traitant de psychologie.
Je me suis ainsi rendu compte que cette préoccupation de travailler le sonore en cohérence avec le visuel dans ma pratique de tous les jours correspondait à des thèses récentes sur la psychologie de perception, qui mettent en avant des relations entre la perception visuelle et la perception auditive.
Il était important de référencer mon travail par différentes publications, les plus récentes possibles. Les travaux de Jean Caston et d’Elisabeth Dumaurier sont les plus marquants pour moi. Pourtant, ces différentes théories s'appuient sur des expériences de laboratoire. il m'est apparu intéressant de prolonger ces travaux et de les reporter sur mon sujet, en menant moi même une expérience qui tiendrait compte des spécificité de la représentation théâtrale.
J'ai donc réalisé l'expérience décrite dans mon mémoire, dont la méthodologie s'est mise sur pied avec l'aide précieuse de Michèle Castellengo, mon directeur de recherche.
Les conclusions en sont assez probantes je crois, mettant en avant le rôle que joue la cohérence spatiale entre les données auditives et visuelles d'un spectacle, ce pour l'attention et l'implication du spectateur, deux notions primordiales pour la bonne perception d'un spectacle.
Je tiens à dire aujourd'hui que cette préoccupation de travailler la sonorisation des voix des comédiens au théâtre ou la sonorisation des musiques acoustiques semble devenir une nouvelle option de travail pour les maisons de prestations de service et les techniciens de spectacle. Ce mémoire et ses conclusions pourrait constituer un argument de plus pour convaincre metteurs en scène et musiciens de travailler dans cette direction.
Second volet de ce mémoire, la série d'entretiens menés avec des metteurs en scène, scénographes et réalisateurs son.
On pourrait déplorer le peu d'entretiens menés au total, quinze en tout. Mais il faut tenir compte du nombre réduit d'acteurs liés à cette pratique du son en France, pour le théâtre.
De plus, l'exploitation de ces entretiens ne repose pas sur une analyse strictement statistique des données recueillies, mais s'intéresse plus à la mise en relation et en opposition des différences obtenues aux mêmes questions posées aux trois corps de métiers concernés. Le propos était de mieux cerner les oppositions entre les attentes des metteurs en scène et des scénographes et les propositions que peuvent faire les réalisateurs son. ils s'agissait aussi pour moi de m'ouvrir sans a priori à l'avis de ces créateurs.
C'est une des grandes richesses de ce type de recherche action. Le statut de "chercheur" permet de se présenter à des professionnels du spectacle sans qu'ils se sentent en présence d'un confrère. De même, les questions étaient agencées de façon à ne trahir le sujet de la recherche que le plus tard possible.
Je me trouve ainsi aujourd'hui face à une meilleure connaissance des attentes des créateurs de spectacle, qui d'une part ne s'était jamais exprimées dans ma pratique professionnelle, et d'autre part se trouve très liées à ma préoccupation de rattacher le travail du son au travail sur l'espace scénographique.
En effet, le chapitre 2 de ce mémoire montre l'importance du lien entre le sonore et le visuel, et le chapitre 3 dégage notamment un souhait des metteurs en scène et des scénographes de retrouver la force du son produit en direct, c'est à dire d'un son qui se travaille dans le lieu de représentation, en relation avec les comédiens, le décor, les accessoires, et non un son qui se travaille en studio, de façon tout à fait isolée.
Il confirme également la difficulté à donner une appellation officielle à ce métier. Le choix que je fais finalement dans ce mémoire semble convenir aux différentes personnes que j'ai rencontré ces derniers mois: réalisateur son.
Le but général de ce mémoire était d'affirmer l'existence d'une réelle spécialité au théâtre, nécessitant une prise en charge par des spécialistes: il s'agissait d’affirmer l'identité des réalisateurs son.
Si le développement de ce métier de réalisateur son doit se faire en respectant une évolution lente des mentalités des metteurs en scène, scénographes et réalisateurs son eux-mêmes, je souhaite toutefois que ce travail puisse accélérer le processus en transmettant le plus largement possible ses conclusions et propositions.
La formation est un vecteur possible de cette transmission.
L'ouverture qui se fait au sein de la conclusion de ce mémoire vers la formation s'est confirmée dans ma pratique de responsable de formation au Centre de Formation Professionnelle des Techniciens du Spectacle (CFPTS). Les divers bilans de stages me montraient régulièrement que le lieu de formation continue est un lieu privilégié pour s'écarter de sa pratique quotidienne et découvrir les autres métiers du spectacle, les autres créateurs avec lesquels on travaille toute l'année, sans réellement comprendre les possibilités qu’offrent leur domaine.
Il faut donc je pense développer le travail amorcé dans différents lieux de formation en France, participant activement à l'amélioration de la communication interprofessionnelle.
La création de nouveaux stages favorisant les échanges de points de vue des différents créateurs et la sensibilisation des metteurs en scène et scénographes aux nouveaux outils qui s’offrent à eux participera également à la meilleure intégration de la profession qui nous intéresse.
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I- LE SON AU SEIN DE LA REPRÉSENTATION
THÉÂTRALE
·
INTRODUCTION
·
UNE HISTOIRE DU SON AU THÉÂTRE
· LE
SON DANS LA REPRÉSENTATION SCÉNIQUE
· LES
MODES D'INTERVENTION DU SON
· LES
PARTICULARITÉS DU SON POUR LE THÉÂTRE
·
CONCLUSION
II - UNE NOUVELLE APPROCHE
DU SON AU THÉÂTRE
·
INTRODUCTION
·
LA COHÉRENCE DE STYLE, DE NIVEAU SONORE, DE SPATIALISATION / HYPOTHÈSES
·
L'EXPÉRIENCE
·
LES RÉSULTATS
·
L'ANALYSE DES RÉSULTATS / VALIDATION
·
LES LIMITES
·
CONCLUSION
III- POUR RETROUVER LA
PLACE DES ARTISANS DU SON DANS LA CRÉATION THÉÂTRALE
·
INTRODUCTION
·
LA SITUATION ACTUELLE DU SON AU THÉÂTRE / HYPOTHÈSES
·
LE QUESTIONNAIRE - ENTRETIEN
·
LES RÉSULTATS
·
L'ANALYSE DES RÉSULTATS / VALIDATION
·
LES LIMITES
·
CONCLUSION
IV - POUR QUE NAISSE UNE PROFESSION
j'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.
Cris des baigneurs. Plus près! plus loin! non, par ici!
Non par là! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
Grincement d'une faulx qui coupe le gazon.
Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.
Bruits du port. Sifflement des machines chauffées.
Musique militaire arrivant par bouffée.
Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci.
Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici
Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge.
Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.
Une mouche entre. Souffle immense de la mer.
(Victor Hugo, Fenêtre ouverte, L'art d'être grand-père)
Le texte de Victor Hugo
cité, s'il n'est pas un texte de théâtre, met pourtant
en avant toute la théâtralité possible du sonore: il
sous-entend la force émotionnelle des voix, et la façon dont
elles se mêlent aux autres sons ("les oiseaux gazouillent, Jeanne
aussi , "Georges l'appelle.", "Bonjour, adieu"). il décrit le paysage
sonore, définissant un environnement de façon aussi forte
qu'une description visuelle. ("des chevaux passent dans la ruelle", "Sifflement
des machines chauffées"). il cite la musique comme partie intégrante
du paysage ("Musique militaire arrivant par bouffée"). il marque
le caractère directionnel du son, que l'on cherche toujours à
localiser ("Plus près! plus loin! Par ici! Non par là!").
Enfin, il montre l'importance de ces sons qu'on n'identifie pas précisément,
mais qui amènent leur part d'émotion ("Chocs, Rumeurs", "Brouhaha
sur le quai").
Le théâtre, un art remontant
à l'antiquité, utilise comme support de représentation
le visuel et le sonore. A ce jour, il rassemble un nombre important de
métiers, collaborant pour une même création: metteur
en scène, scénographe, costumier, éclairagiste, accessoiriste,
comédiens,... Autant de métiers reconnus, intervenant ou
non, selon les besoins de la mise en scène. Mais où se situe
le son dans cette liste ? Le domaine existe, pas le métier. Premier
signe,
et non des moindres, de la nécessité de se pencher sur cet
art, l'absence d'appellation officielle pour cette profession, que l'on
nommera tour à tour: sonorisateur, régisseur son, ingénieur
du son, créateur son, réalisateur son, ou même "soniste".
Un point d'accord reste à trouver pour l'appellation rassemblant
les artisans du son pour le théâtre.
Pour mieux situer le son au sein de la représentation
théâtrale, la première partie de cette recherche situera
le son au sein de ce microcosme, et présentera ses différentes
possibilités d'intervention au cours d'un spectacle. Elle débutera
par un historique du son au sein du théâtre depuis les origines,
afin de mieux comprendre son évolution et ses éventuelles
ruptures.
On arrive ensuite aux deux parties principales constituant
ce mémoire. J'aurais pu me contenter du chapitre 3 portant sur la
définition d'une identité d'un corps de métier à
travers l'analyse contradictoire des points de vue de ses acteurs eux-mêmes
et des corps de métiers avec lesquels il est amené à
collaborer. Pourtant, il aurait manqué je crois une part importante
de la représentation théâtrale: le public. Le théâtre
tire sa force et sa particularité de ce rapport avec une audience
présente en direct. il me fallait donc faire entrer l'avis de ce
public dans ma recherche, ce que propose le chapitre 2. Pour cela, il s'agit
d'essayer d’évaluer l'importance que peut prendre le son pour le
spectateur. il est important de noter que le but final est "d'alimenter"
le point de vue plus général du chapitre 3. Montrer que le
travail du son pour le théâtre appelle un traitement très
particulier et spécialisé est en effet un élément
prépondérant dans la définition d'un métier,
dans la tentative de faire émerger l'identité sociale de
ses acteurs.
Comme on le verra, le lien entre le visuel et le
sonore date de l'antiquité. Mais les techniques actuelles les ont
un peu éloignés l'un de l'autre. Aussi convient-il aujourd'hui
de montrer que ce lien est à retrouver, et quels dangers il y aurait
à répondre aux demandes récentes des metteurs en scène
sans tenir compte des spécificités du spectacle vivant. il
faudra donc mettre en place une expérience permettant de comparer
les techniques de sonorisation issues des autres domaines (concert, télévision,
cinéma, radio), et les techniques qui tiennent compte de la spécificité
du théâtre.
On aurait pu travailler sur d'autres aspects du
son décrits dans le premier chapitre, plus artistiques, et correspondant
plus directement aux soucis d'émotion des metteurs en scène.
Mais ces aspects du travail du son me semblent plus empreins de subjectivité,
et peuvent difficilement être traités de façon scientifique.
Le travail de la sonorisation est plus facilement quantifiable, et fait
appel à des notions techniques très précises. Par
ailleurs, on verra qu'il a son rôle à jouer, de façon
plus indirecte mais essentielle, dans le message émotionnel que
souhaitent transmettre le metteur en scène et les comédiens.
Enfin, pour que cette recherche ouvre le chemin
d'une reconnaissance du métier du son pour le théâtre,
on tentera de mettre en avant les différents points de vue des personnes
les plus impliquées dans la création théâtrale,
et susceptibles de faire appel aux techniques du son: metteurs en scène,
scénographes et réalisateurs son eux-mêmes, comme nous
décidons de les appeler a priori. Le but étant ici de cerner
les compétences spécifiques d'une profession existante de
fait, mais sans repère au sein de l'équipe de travail avec
laquelle elle collabore, sans place réelle dans son environnement
culturel et social.
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I - A / UNE HISTOIRE DU SON
AU THÉÂTRE
L'ANTIQUITÉ
LE
THÉÂTRE DE L'ILLUSION
LE
SON MODERNE
I - B / LE SON DANS LA REPRÉSENTIONS
SCÉNIQUE
L'ESPACE
LE
TEMPS
LE
BRUITAGE
LE
SON ET LA MÉMOIRE
I - C / LES MODES D'INTERVENTION DU
SON DANS LA REPRÉSENTIONS SCÉNIQUE
LE
BRUITAGE
LA
VOIX OFF
LA
CRÉATION SONORE DRAMATIQUE
LA
MUSIQUE
LA
SONORISATION DES VOIX ET DES MUSICIENS
I - D / LES PARTICULARITÉS DU
SON POUR LE THÉÂTRE
UN
ESPACE RÉEL
UN
SON HORS NORME
UN
SON « VIVANT »
Pour mieux comprendre la situation actuelle du son au théâtre, il convient d’établir un petit historique de son évolution, pour cerner sa progression et ses ruptures, pour mieux comprendre également ses rapports avec le visuel et les métiers qui gèrent le visuel au sein d'un spectacle. En effet, il ne s'agit pas de considérer le son comme une technique récente, apparue avec les machines de traitement du son électroacoustique, mais de situer le son actuel et ses techniques dans une évolution de la forme sonore, ce depuis l'origine même du théâtre.
Ensuite, je situerai le son au sein de l'organisation de la création théâtrale, tel qu'il se place aujourd'hui dans la plupart des productions. L'étude des relations de travail telles qu'elles existent aujourd'hui entre les différents créateurs impliqués dans une création permettra de préciser comment on peut envisager la participation du son au sein du spectacle dans les années à venir, d'un point de vue artistique, mais aussi social. On participera ainsi à la définition d'un métier, comme le précise Carmel Camilleri : "Ainsi l’assimilation des rôles dans l'identité implique-t-elle celle de la culture de référence dans laquelle ils s'inscrivent" (Camilleri, 1986).
On verra alors les différentes possibilités d'intervention du son dans la création contemporaine. Ce tour d'horizon permettra de mieux cerner les multiples facettes de ce domaine, mais aussi de mieux comprendre les techniques qu'il emploie.
Enfin, il faut impérativement distinguer le son pour le théâtre des techniques du son pour les domaines de l'audiovisuel. Les caractéristiques du spectacle vivant amènent un traitement du son tout à fait particulier, qui impose une approche réellement spécifique de ce domaine.
I - A / UNE HISTOIRE DU SON AU THÉÂTRE
Avant de réfléchir sur la façon dont le travail du son peut influencer la perception du spectateur, avant d'interroger les concepteurs de spectacle sur leur façon d'approcher le sonore, il convient de mieux comprendre l'histoire du son au théâtre, son évolution, ainsi que l'organisation de travail la plus souvent répandue aujourd'hui. L'étude historique du son montre une cassure importante assez récente avec l'arrivée du son électroacoustique par l'utilisation du magnétophone à bande, qui peut expliquer les difficultés à intégrer ce domaine à l'ensemble de la création. Ces techniques nouvelles sont à l'origine même d'une nouvelle profession du théâtre, puisqu'avant cela, le son était géré par les machinistes ou les accessoiristes. Mais cette spécialisation a également amené une séparation du son et du visuel, qu'il convient de mieux comprendre, pour essayer de ré - intégrer un domaine aujourd'hui isolé.
On peut, par ailleurs, noter la difficulté à retracer une histoire du son au théâtre. Très peu d'ouvrages traitent cet aspect, et rares sont les documents qui nous permettraient de dater précisément les étapes qui jalonnent l'évolution du son.
Dès le théâtre antique, le son intervient sous trois formes:
LA MUSIQUE
La musique de scène est très présente puisqu'elle est souvent l'élément central du spectacle. En fait, les formes que prenait le théâtre grec étaient plus proches de nos opéras actuels. Par la présence systématique de musiciens et de chanteurs, c'est la musique qui structurait le spectacle, avec tout de même la présence de comédiens et de textes déclamés. Les interventions sonores faisaient alors partie intégrante de la partition musicale. On ne faisait pas encore de séparation bruit / musique. S'il fallait imiter la foudre, accompagner un mouvement de machinerie, les instruments de musique se chargeaient de ce travail. Les percussions étaient alors souvent sollicitées, et l'on pouvait également fabriquer certaines machines pour un effet sonore particulier.
LES MASQUES
Il faut également noter l'utilisation des masques, qui ont d'abord un rôle visuel évident, mais aussi auditif puisqu'ils permettaient aux comédiens de mieux "placer" leur voix, par un phénomène de porte-voix dû à l'épaisseur du masque (comme lorsque l'on place ses mains devant sa bouche pour se faire entendre de loin). Plus important, ils modifiaient la voix, concourant ainsi au décalage du spectacle d'avec la réalité, comme le précise Roland Barthes: "il dépayse; (...)en altérant la voix, rendue profonde, caverneuse, étrange, comme venue d'un autre monde: mélange d'inhumanité et d'humanité emphatique, il est alors fonction capitale de l'illusion tragique." (Barthes, 1981)
La transformation acoustique des voix devait jouer un grand rôle dans la tragédie, décalant les comédiens de leur statut d'hommes pour les amener vers des personnages divins. Ce travail doit nous sensibiliser au fait que le premier son au théâtre est la voix du comédien. Il pourra parfois être le seul son utilisé, mais en tant que tel, il doit être particulièrement travaillé. Bien sûr cela n'est pas du ressort d'un technicien spécialisé, mais de même qu'un comédien doit travailler son apparence physique, il doit intégrer le phrasé, le timbre de voix adapté à son personnage. Et le personnel artistique et technique doit respecter ce travail au maximum, concourir à son prolongement vers l'oreille du spectateur. C'est un aspect que ne doivent négliger ni le concepteur de la salle de spectacle, ni le décorateur, qui devra utiliser des matériaux propres à une bonne réflexion des ondes sonores.
L'ACOUSTIQUE
Dans ce domaine, il faut saluer le travail sur l'acoustique des lieux, qui permettait à chaque spectateur de profiter du texte sans effort, malgré le nombre parfois très élevé de places Ce travail est connu aujourd'hui du grand public, qui ne manque pas de s'extasier sur « l'acoustique exceptionnelle » du théâtre antique qu'il visite.
Pourtant, peu de théâtres sont encore dans leur configuration de l'époque, et Si les ruines que nous connaissons nous étonnent parfois à tort, les rares théâtres encore en état demeurent effectivement une référence pour les acousticiens, qui continuent de fouiller les secrets de cette architecture exemplaire. On sait aujourd'hui que les techniques étaient multiples, jouant sur les réflexions du son sur les gradins eux-mêmes, sur certaines surfaces de bois ou d'eau à l'avant scène, sur la résonance de certaines poteries disposées dans les gradins. On retrouvera ce souci de l'acoustique avec la construction des théâtres dits à l'italienne.
On voit donc qu'à cette époque, le son était intimement mêlé au travail du visuel, que ce soit par les masques, mais également par l'architecture.
On ne peut pas noter à l'époque du moyen âge d'évolution particulière du travail du son. L'accent est alors plutôt mis sur le décor, et la réalisation de spectacles de plein air, qui entraînaient la population à participer.
C'est donc au début du dix-septième
siècle, avec le développement de la machinerie et du théâtre
dit de l'illusion que l'on peut observer un renouveau du sonore. On bâtit
de nouvelles salles, construites dans deux buts principaux: la vision réciproque
des spectateurs bien plus que la vision de la scène), mais aussi
et surtout l'audition du texte, comme le souligne Georges Banu:
"L'ouïe, on le sait, est un sens plus abstrait que la vue, et
les salles à l'italienne, dès l'origine, ont privilégié
plus le son qui circule que l'image qui s'impose. (...) C'est lui qui fonde
l'unité du public et non pas l'image dont seul le prince profite
à part entière." Banu, 1989, p90). Mais cette prédominance
du son ne sera que momentanée et vite oubliée au profit de
la suprématie du visuel:
"L'homme de théâtre s'en sert, à la fin du XIX
ème siècle et au début du XX ème, dans une
perspective étrangère à celle qui a commandé
la construction à l'origine, et il appelle au renversement de la
hiérarchie de valeurs initialement adoptée." Banu, 1989,
p90).
LE BRUITAGE
Le travail du masque se perdra également, sauf avec une forme particulière de représentation, la Commedia Dell' Arte. On peut noter une évolution franche du son au théâtre dès la fin du XIX ème siècle. On trouve trace du travail du son dans les mises en scène de Stanislawski par des courriers échangés avec Tchekhov, peu amateur de cette nouvelle dimension: C'est à cette époque que l'on peut parler de fractionnement du son, avec un début de séparation des notions de bruit et de musique. "Tchekhov, à dire vrai, est légèrement agacé par la manie sonorisatrice de son metteur en scène. « Les grincements d'outils, rumeurs de disputes, cris de bébés, les berceuses, les bouffées d'orgue de barbarie ou d'accordéon, les toux, les ronflements, le crépitement de la pluie sur les vitres, tout cela constituait un espace sonore idéalement approprié à l'univers de la pièce. » (Roubine, 1980, p167).
LES MACHINES A BRUIT
Il s'agit dès lors d'un travail de type "décor sonore", sur une base réaliste, produit en direct par les machinistes. On concourt à l'illusion du réel par la simulation de paysages sonores, accompagnant le travail du visuel. ~ faut noter qu'à cette époque, l'option esthétique de base était le réalisme pour l'ensemble des spectacles. Il s'agissait de replacer le spectateur dans une illusion du réel, avec malgré tout une stylisation provoquée par les techniques d'imitation: peintures, châssis de décor, lumière artificielle. Le son lui aussi repose sur un principe d’imitation. Ce travail a pu prendre naissance grâce à l'invention des coulisses, lieu caché de la scène où le machiniste peut travailler sans être vu du public. Pourtant, Si on assiste à cette époque à un formidable développement des effets visuels de machinerie, l'aspect sonore, même s'il est présent, ne parait pas aussi bien maîtrisé:
Bien au contraire, les lourdes machines des changements de décors provoquaient parfois des bruits involontaires, de même que les machinistes eux-mêmes, comme le précise Bronislaw Horowicz: "Malgré le bruit qui, lit-on, empêche parfois d'entendre le chant et la musique, malgré les coups de sifflet du chef machiniste (...)". (Horowicz, 1981, p147).
Selon Jean Jacques Roubine, Antonin Artaud sera l'un des metteurs en scène qui concourra le plus à l'évolution du son, le détachant de son côté réaliste systématique: "Les vibrations de sons absolument inaccoutumées (...) poussent aussi à rechercher, en dehors de la musique, des appareils qui, basés sur des fusions spéciales ou des alliages renouvelés de métaux, puissent atteindre un diapason nouveau de l'octave, produire des sons ou des bruits insupportables, lancinants." (Artaud, 1964, p147).
LES MACHINISTES, RESPONSABLES DES "BRUITS DE COULISSE"
Le son était alors produit par les machinistes, sur demande du metteur en scène ou du décorateur. "Tous les appareils à l'aide desquels on produit les bruits de coulisse, sont également du domaine des accessoires." (Brachart, 1912, p 18). il était donc très lié au reste du spectacle, contrôlé par des gens qui traitaient également l'aspect visuel. Par ailleurs, il était produit en direct, grâce à différentes astuces ou machines à bruits construites spécialement, pour imiter des sons naturels. Une revue de 1905, "lecture pour tous" de Hachette relate l'exemple d'un spectacle ou pas moins de douze machinistes étaient présents pour imiter le son d'une locomotive à vapeur à l’aide de brosses métalliques et d'autres instruments usuels. On utilisait aussi un cylindre portant des arêtes de bois s'appliquant sur un tissu tendu, que l'on faisait tourner pour simuler le vent.
Si on se réfère à différents ouvrages de l'époque, on constate que les machines sonores sont classées avec les accessoires. Le son n'est pas une spécialité, c'est un mode d'intervention possible, assuré par des techniciens qui gèrent également le visuel. On parlait à l'époque de bruits de coulisses. Toujours d'après la revue "lecture pour tous", on utilisa pour la première fois un phonographe en 1905 en Angleterre pour une rumeur de bataille pendant une représentation de Henri V de Shakespeare. il faudra ensuite quelques années, et l'intervention de techniciens de la radio, tel Fred Kiriloff, pour que s'installe véritablement le son électroacoustique dans le théâtre. Les fameuses machines à bruit vont alors tomber dans l'oubli.... Il n'est pas question ici de nostalgie, mais il convient de s'interroger sur les conséquences de cet apport technologique:
L'arrivée des techniques modernes, avec la maîtrise de l'électricité, vont grandement influencer le travail du metteur en scène. Différents courants esthétiques vont commencer à se développer, avec des tendances très réalistes, multipliant l'emploi de nouveaux matériaux pour transporter le spectateur 'hors des murs" du théâtre, dans un lieu artificiel mais réaliste. Mais on voit également des courants totalement différents, avec des mise en scène choisissant de transporter les spectateurs dans un autre monde, dans une esthétique résolument éloignée du réel. Le décor et la lumière vont concourir à cette esthétique. Pourtant, la technique du son moderne va rester bloquée dans le réalisme.
LE MAGNÉTOPHONE
Le principe est d'aller enregistrer un son réel, pour le diffuser ensuite en cours de spectacle grâce au phonographe, puis au magnétophone à bandes. Se perd alors le principe d'imitation, au profit du "transport" du son réel dans la salle de spectacle. Nous verrons plus tard que ce principe d'imitation était peut-être plus cohérent avec le reste du travail réalisé sur un spectacle scénique.
D'autre part, le côté technique du son électroacoustique nécessite la création d'un nouveau poste de régisseur spécialisé. C'est à mon sens une rupture sociale primordiale dans l'évolution du son pour le théâtre, puisqu'il quitte le plateau, la machinerie, le décor, pour s'installer en cabine ou en studio.
"Les machines de bruitage mécanique ont existé dans de nombreux théâtres et ont évolué avec le temps pour finalement disparaître avec l'invention de l'enregistrement et de la reproduction du son. Ce sont les disques et les bandes magnétiques qui ont détrôné les bruiteurs du théâtre." (Bergel, 1993, p224).
LE SON DEVIENT UNE SPÉCIALITÉ
Le son au théâtre est aujourd'hui une technique devenue autonome, travaillée par des techniciens spécialisés. On a d'ailleurs dans un premier temps fait appel à des techniciens issus de la radio. Ceux-ci, issus d'un domaine strictement sonore, apporteront leurs techniques spécifiques. Fred Kiriloff fait partie de ces précurseurs en France. Cette parcellisation des techniques n'est pas nuisible en elle-même, Si les divers techniciens savent établir un dialogue. Mais il semble que le son reste détaché du reste du plateau. Pour le placement des enceintes sur scène, un dialogue est nécessaire avec le décorateur, l'éclairagiste et les machinistes. Mais pour l'élaboration de la bande, le technicien reste isolé dans sa spécialité, plus préoccupé par son matériel et ses sons naturels que par la réflexion sur un espace sonore lié à l'espace visuel.
Le lieu de travail devient extérieur au théâtre. Le réalisateur, par souci de qualité technique, va s'enfermer dans un studio d'enregistrement. Bien sûr, il procédera par étapes, et dans le meilleur des cas, viendra régulièrement en répétition pour essayer ses effets. Mais cette situation de travail séparée ne lui permet pas de suivre heure par heure l'avancée de la mise en scène. il n'est pas rare de préparer un "effet" durant une journée, et d'apprendre le lendemain qu'il n'a plus lieu d'être, vu les modifications de jeu sur scène.
UNE NOUVELLE APPROCHE DU SON
Ensuite, le son retombe dans la solution de facilité du bruitage réaliste, dans l'illustration sonore. Ce n'est que dans les années 80 que le son reprendra un nouvel essor, avec des personnes telles que André Serré, Daniel Deshays ou Philippe Cacchia, par un travail d'ambiance sonore se décalant du réalisme, dans la mouvance de metteurs en scène tels que Patrice Chéreau. Mais aujourd'hui, le son n'a pas encore véritablement pris ou repris sa place. "Que ce travail ait fait sensation confirme une fois encore, la lenteur avec laquelle les pratiques nouvelles s'imposent dans le domaine du théâtre." Roubine, 1980, p19). Pourtant, de nouvelles demandes apparaissent de la part des metteurs en scène, comme la sonorisation de la voix des comédiens. La pauvreté acoustique de nombreux lieux modernes et la baisse d'attention des spectateurs amènent de plus en plus les metteurs en scène à songer à la sonorisation des comédiens. il n'est pas impossible qu'il se passe avec le théâtre ce qui s'est passé avec le music-hall: le passage du son naturel au son sonorisé, cela dans les mêmes salles de spectacle. Je reviendrai sur cet aspect un peu plus loin.
A cela vient s'ajouter de plus en plus un problème de langage technique. Les progrès incessants des techniques du son enrichissent sans arrêt le vocabulaire du responsable son, que les autres participants à la création ne peuvent suivre. il devient très difficile pour les uns et les autres de communiquer directement. De plus, cette prédominance de la technique peut nuire au travail de réflexion artistique. On verra un metteur en scène un peu au courant de la technologie moderne exiger un travail du son en "numérique", mais ne donner aucune indication sur le contenu de ce travail. Les réalisateurs son eux-mêmes peuvent se laisser influencer par ces aspects de qualité technique du travail et oublier l'importance du contenu.
Une réflexion de la part des "artisans" du son semble pourtant se mettre en place et permettra sans doute un essor décisif.
I - B / LE SON DANS LA REPRÉSENTATION SCÉNIQUE
Si la lumière vient compléter le travail d'espace du scénographe, le son devrait lui aussi y concourir. "Un espace, en effet, ne se définit pas seulement par les éléments visuels qui le constituent, mais aussi par un ensemble de sonorités, caractéristiques ou suggestives, qui, pour l'oreille, tissent une image dont l'efficacité sur le spectateur a été mille fois vérifiée, tant il est vrai que l'ouïe est un véhicule de l'illusion plus sensible encore que la vue". (Roubine, 1980, p165). Certains réalisateurs utilisent cette expression: "le son est la dimension du tout est possible." Il est vrai que l'ambiance sonore peut situer une action dans n'importe quel lieu suggéré, de façon plus simple que le visuel. On pourra passer d'une ambiance citadine à une ambiance campagnarde en quelques secondes. Une musique romantique apaisante pourra succéder à une fréquence basse qui aura soutenu quelques secondes avant une scène très tendue. Pourtant, nous allons voir que le son n'a pas ou n'a plus aujourd'hui cette position liée au décor, excepté pour certains décors très réalistes.
Le son peut amener la notion de temps, de déroulement. Par opposition avec le visuel, il n'y a pas « d'instantané » sonore, le temps est intimement lié au son, il en est une caractéristique physique. Si on interrompt le déroulement d'un film, on obtient une image arrêtée. On perd la notion de déroulement, mais il existe une impression, une trace d'un instant fugitif
Si on arrête le déroulement d'une bande son, il n'y a pas un son témoin de l'instant de coupure, il y a du silence... Il n'existe pas de son sans le déroulement du temps. Par ailleurs, la diffusion d'un son plus ou moins rythmé conditionnera la perception du temps. Un son présentant des caractéristiques rythmiques lentes provoquera la sensation d'une suspension dans le temps. Une action se déroule, mais on a la sensation qu'elle se déroule hors du temps. On joue là sur un contraste entre une information sonore lente (celle de la bande son), et une information sonore qui paraîtra plus rapide, le texte dit par le comédien. On se rapproche ici d'un effet produit parfois directement par les comédiens, utilisé dans certaines pièces écrites avec des apartés pour le public: le comédien se tourne vers l'audience et dit son texte plus rapidement; nous avons compris ce qu'il pense, mais cette parenthèse s'est déroulée hors du temps; hors de l'action qui le lie aux autres personnages.
Dramatiquement, le son est un outil possible pour indiquer un changement dans le temps, l'idée d'une évolution, de façon plus simple et moins sensible en tant qu'effet qu'un changement de décor. Des repères habituels donneront des indications de situation dans la journée: le chant d'un coq, les cloches d'une église, la cloche de l'école, le son des insectes nocturnes,...
Dans un registre non réaliste, il pourra accompagner l'évolution d'un personnage. Je prendrai un exemple tiré de ma pratique: il s'agissait de suggérer le passage à la folie d'un homme habitant au bord de la mer et fabriquant des objets à partir des coquillages et différentes épaves trouvés sur la plage. La bande sonore diffusait au départ un son de mer réaliste, évoluant peu à peu vers un son distordu, fluctuant, glissant vers le grave, et s'agrémentant également de son de coquillages frottés, exagérément amplifiés. La bascule d'un son réaliste à une ambiance suggérant la perception intérieure du personnage participait activement à la mise en scène.
Avec le travail de la lumière, le son peut amener une vie, des variations, une évolution à un décor fixe. Dans une scénographie dépouillée, avec peu d'indications visuelles, le sonore peut même nous transporter d'un lieu à un autre, brusquement ou imperceptiblement.
Quand. on parle de son pour le théâtre, on pense souvent à trois choses: la voix des comédiens, la musique, le bruitage. Si on se contente de ces trois dimensions, (on verra que d'autres sont envisageables), on peut déjà parler de retard sur les disciplines visuelles. Aujourd'hui, le son a donc une place souvent restreinte dans les mises en scène:
Prenons par exemple le bruitage, partenaire du théâtre depuis l'antiquité dans sa forme intégrée à la musique, et depuis la fin du 19ème siècle grâce à des machines sonores qui accompagnaient les changements de décors et qui symbolisaient les éléments naturels (vent, pluie, orage,...). Comme pour la lumière avec l'arrivée de l'électricité, un bouleversement eu lieu avec l'apparition du phonographe, puis du magnétophone: des appareils permettant d'enregistrer n'importe quel son et de le reproduire à volonté en salle. Utillse-t-on au mieux cet appareil?
Quand on pense à différents styles pour un décor, on fait rarement de même pour le son. Si un metteur en scène veut un son de forêt, il le veut réaliste, demandant au réalisateur d'aller l'enregistrer dans la nature alors qu'il n'a pas le même réflexe pour le visuel. Il est possible que le travail des dramatiques radiophoniques ait fortement influencé le son au théâtre. Certains techniciens sont venus au théâtre apportant avec eux la technologie de la Radio. Mais ils ont peut-être négligé la différence qu'implique un son lié au visuel. Je reviendrai sur ce point un peu plus loin.
A l'opposé de ce travail se trouve la musique, élément sonore allant le plus loin dans le travail esthétique du son, dont le metteur en scène se servira pour souligner ou accompagner certains éléments de son travail. Mais entre bruitage et musique, il existe d'autres types d'intervention du son, heureusement déjà exploités par certains (André Serré, Philippe Cacchia.). Mais tellement peu au regard de l'importance de la lumière et des décors qu'il convient de s'interroger sur ce retard et sur les façons de faire avancer une profession encore mal reconnue dans le métier: celle de réalisateur son. De plus, il s'agit d'intégrer ou de relier ce travail avec celui du visuel.
Il semble que l'on néglige pour le son un aspect essentiel du spectacle:
"La possibilité fondamentale du spectacle appartiendrait ainsi à la mémoire ou, plus exactement, à un certain niveau de la mémoire. (...) On doit en arriver à une mémoire capable de se représenter le passé comme tel et de s'y attarder. Cette représentation est par elle - même émouvante." (Belaval, 1981, p3). il faut faire appel à la mémoire auditive du spectateur, comme le fait un tableau impressionniste. La simple photographie - témoin d'un lieu peut, bien sûr, ramener un observateur à des souvenirs. Mais un tableau impressionniste, ou même une photographie travaillée artistiquement, témoignera en plus d'une émotion, celle de l'artiste face au paysage reproduit.
S'il s'agit de suggérer un bord de mer, le fait de diffuser un son réel de mer enregistré ne tient pas compte du fait que le spectateur est dans une salle de spectacle, et que sa référence est sa mémoire. il sera souvent préférable de simplifier le son, comme on le fait quand on tente de stimuler mentalement le souvenir de ce son: ce qui nous revient est un va et vient régulier, et les autres caractéristiques seront choisies en fonction de l'émotion recherchée: on s'attachera plus au son de l'eau elle-même, du clapotis pour une ambiance calme, ou à un son proche du souffle pour une sensation de force. Tout cela pouvant être fait artificiellement, avec des sons réels mélangés, ou avec des sons produits par des synthétiseurs, travaillés comme le peintre travaille sa gouache. Voyons à présent les différentes formes que peut prendre le son au théâtre.
I - C / LES MODES D'INTERVENTION DU SON DANS LA REPRÉSENTATION SCÉNIQUE
Le plus ancien, dont nous avons déjà parlé, est le bruitage. Si on se réfère à Patrice Pavis, il s'agit de la "production de bruits imitant les bruits de la vie réelle pour suggérer le milieu sonore où se joue la pièce". (Pavis, 1980, p50).
Si on regarde les machines du XIX ème siècle, la définition convient parfaitement. Par contre, Si on s'intéresse aux bandes sons actuelles, reproduites sur magnétophones, la notion d'imitation disparaît trop souvent. il y a une grande différence entre le bruit du bois frottant une toile tendue pour imiter le vent et l'enregistrement pur et simple du phénomène naturel. Et peut-être y a t-il eu une mauvaise utilisation du magnétophone pour le théâtre au départ, qui a amené une perte plus qu'un réel progrès. Un bon exemple serait la nécessité d'une sonnerie de téléphone pour une scène: pourquoi mettre des sonneries sur bande avec le risque d'une mauvaise synchronisation avec le comédien qui doit décrocher, et d'un son artificiel, quand il est Si simple de dissimuler une sonnette dans l'accessoire, ou même de faire sonner celle du téléphone lui-même par l'envoi d'un courant électrique?
C'est dans le travail sur une ambiance sonore globale que peut déjà se dégager un style, une "couleur" sonore propre au réalisateur, qui distinguera son travail des autres. Pour un même spectacle, plusieurs bandes son sont possibles, amenant chacune leurs émotions. Mais toutes doivent être travaillées en cohérence avec le style du travail visuel. Dès le début du siècle, certains journalistes avaient senti l'intérêt tout particulier du son au théâtre, et ses possibilités émotionnelles: "Nous sommes dans une salle de théâtre bien close, à l'abri du vent et de la pluie, et nous savons qu'au dehors, d'honnêtes passants vont et viennent dans une rue paisible. Cependant, à mesure que la pièce se déroulera, nous allons, au gré de la fantaisie de l'auteur et suivant les besoins de l'action, entendre le vent mugir et tonner le canon. Comment donc arrive-t-on à produire cette illusion parfaite, qui va jusqu'à nous donner la sensation de froid pendant l'orage, et à faire courir en nous le frisson de la bataille?" (La machine à imiter l'orage).
Le principe est d'entendre une voix, sans que soit vu le personnage qui parle. Ce procédé est souvent utilisé pour le personnage du Commandeur dans "Don Juan" de Molière: On entend sa voix, mais on ne le voit jamais puisqu'il est un « esprit ». Deux possibilités de réalisation: soit la voix est enregistrée, soit elle est dite en coulisse par un comédien, en direct. Dans le premier cas, l'avantage est la possibilité d'obtenir une version parfaite par enregistrements successifs et montage des meilleurs phrasés du comédien récitant. Autre avantage, celui de pouvoir manipuler la voix par effets spéciaux. Dans le deuxième cas, l'avantage est la possibilité de mieux intégrer la voix à chaque représentation. Si la voix-off dialogue avec un comédien sur scène, on imagine le problème Si celui-ci se trompe dans une réplique et si la réponse est sur bande... Le comédien en coulisse peut, lui, récupérer la situation.
Dans certains cas, l'ensemble du spectacle est réalisé en voix-off, soit pour venir se greffer sur des personnages imaginaires, traités par des effets visuels, soit pour commenter des images, des "tableaux vivants". C'est le cas des spectacles "Son et Lumière".
Cet aspect du travail, plus récent au théâtre, est à mettre en parallèle avec celui de l'éclairagiste, et le type de son utilisé se situe entre le bruitage et la musique composée. Le principe est de rechercher une sensation auditive et émotionnelle qui servira la mise en scène, la soutiendra ou la contredira Si besoin est. Cela, sans référence au réel. On peut effectivement penser à la musique pour cela, mais le travail décrit se situe à un autre niveau: l'idée est de diffuser un son utile dramatiquement, mais non perceptible en tant que son, non décidable. On diffusera par exemple un son très grave et continu pour augmenter l'idée de tension sur une scène, ou des sons faibles, ponctuels pour souligner certaines phrases. Autre exemple, l'utilisation du silence comme effet: on diffuse un son continu et très faible pendant toute une scène. il deviendra fond sonore, non perceptible. Puis on coupe ce son brusquement, sur une réplique précise: suit un silence très marqué, très fort dramatiquement, bien ressenti par le spectateur, sans que celui-ci puisse expliquer son émotion autrement que par le texte ou le jeu du comédien.
Un autre type de travail repose sur un principe de transposition sonore. Le réalisateur prend pour base des sons réels, en étudiera la texture, les caractéristiques en durée, en timbre, leur évolution, leur rythme naturel. Puis il les transpose, les filtres, ou recrée totalement un son qui gardera les caractéristiques de départ, mais qui ne sera plus identifiable à lui seul. Ce son prendra toute son ampleur en liaison avec un décor et un jeu eux aussi transposés. Voyons par exemple une proposition de mise en scène issue d'un texte théâtral de Peter Handke: "La colonne produit des sons: sonorités de la civilisation, diverses, de plus en plus profondes, pour se fondre enfin en une seule, égale, monotone, comme ce signal portant au loin que lancent tous les bateaux à une embouchure, en manière de salut ou de fête. - Silence." (Handke, 1993, p95). Précisons avant tout qu'il est rare qu'un auteur soit aussi proche du travail de création sonore dans ses indications. Mais cet exemple illustre assez bien le travail que peut être amené à produire un réalisateur son: il s agit ici non pas de faire entendre des sons réalistes, mais des sons se rapportant à une sensation du réel ("comme ce signal portant au loin..."). Peter Handke ne souhaite pas entendre les sons réels, il veut retrouver une émotion issue du passage de sons urbains, se mélangeant comme on mêlerait des couleurs, pour arriver à une nouvelle couleur, suggérant finalement le son d'une sirène de bateau.
Il faut, pour terminer, citer le son direct, trop souvent négligé. Dans le même esprit que les machines à bruit, on peut utiliser ou même construire spécialement des accessoires sonores, qui seront maniés par les comédiens eux-mêmes ou un technicien en coulisses. On obtient alors une communion particulièrement réussie avec les voix des comédiens et avec le visuel, par une adaptation réciproque sans cesse affinée ou renouvelée.
Dans tous les cas, c'est pour cet aspect du son que l'on peut parler de style. On pourrait rapprocher le travail d'enregistrement d'un son réel du travail du photographe: il capte la réalité, avec un certain objectif et un certain point de vue. Si cela est particulièrement travaillé, un style pourra être ressenti. Mais le travail de création sonore, qui ne prend pas sa source dans le réel, se rapporte plus à la peinture, pour laquelle une "classification" en style existe. Toute proportion gardée, on pourrait dégager des styles dans le travail des quelques créateurs son actuels.
On voit, dans la définition donnée pour la création sonore dramatique, que l'on est proche de la musique, et plus particulièrement de la musique concrète. Dans la forme et dans les techniques employées, on peut effectivement faire ce rapprochement, voir les confondre. Je situe la limite dans le fait que la musique est un art à part entière, alors que la création sonore liée au théâtre vient s'appuyer sur un texte et du visuel. Une bande sonore n'a pas d'existence propre, elle ne prend sa valeur que pendant la représentation. Un décor "visuel" n'est pas une peinture, un "décor sonore" n'est pas une musique.
On l'a vu dans l'historique, son et musique étaient intimement liés dans le théâtre antique. On vient de le voir dans la définition donnée pour la création sonore dramatique, on est proche alors de la musique concrète. Mais il reste une autre possibilité, celle d'utiliser des musiques existantes et de les diffuser pendant le spectacle, à des moments précis aménagés par la mise en scène. Le rôle du réalisateur son est alors de choisir des extraits musicaux adaptés à la demande du metteur en scène. Mais de plus en plus, s'il décide de faire entrer la musique dans son spectacle, il fera appel à un musicien qui lui composera une oeuvre originale. On sort alors des compétences du réalisateur son, excepté dans le cas où la musique est jouée en direct, et qu'elle appelle une sonorisation.
LA SONORISATION DES VOIX ET DES MUSICIENS
Le principe est d'amplifier la voix ou les instruments de musique pour une meilleure audition ou pour contrôler les niveaux de ceux-ci. On retrouve ici le souci des anciens lors de la fabrication des masques. Aujourd'hui on utilisera des microphones, qui vont capter le son naturel, on mélangera le son de ces différents micros à l'aide d'une table de mixage, on augmentera le niveau sonore à l'aide d'un amplificateur et enfin on le restituera à l'aide de haut-parleurs. On voit que dans cette chaîne sonore, chaque maillon est important et que plusieurs possibilités sont offertes. Le technicien devra choisir ses microphones, il devra ensuite les positionner, puis il devra les mixer, équilibrer les niveaux, modifier si besoin est le timbre d'une voix, d'un instrument, et enfin choisir un certain nombre de haut-parleurs et les placer dans la salle. Pour chaque étape, plusieurs possibilités et finalement, un grand nombre de résultats possibles.
Quelque soit la solution retenue, il me semble que
deux notions sont trop souvent négligées dans les sonorisations
actuelles:
- La cohérence en niveau, avec une puissance d'écoute sans
aucune mesure avec la puissance réelle des instruments, dans des
salles ne réclamant pas toujours un tel niveau.
- La cohérence spatiale, avec un son qui semble provenir des enceintes,
et non des instruments eux-mêmes.
C'est Cet aspect, la sonorisation des voix et des musiciens, correspondant à une demande récente des créateurs, qui sera traité dans le chapitre 2 de ce mémoire.
I - D / LES PARTICULARITÉS DU SON POUR LE THÉÂTRE
Cette étude porte sur le son pour le théâtre, par opposition au son pour le cinéma, la télévision ou la radio. Différentes études ont pu être menées récemment sur ces derniers domaines, mais leurs conclusions peuvent rarement être appliquées dans notre cas, ce pour différentes raisons.
Au théâtre, le spectateur et les acteurs
se trouvent dans le même espace, et dans le même temps. Nous
sommes dès lors dans un rapport de "réalité", quelque
soit la forme de mise en scène. Les personnages sont devant nous,
et la voix que nous entendons est celle d'une personne vivante. U n'y a
pas a priori de décalage avec le monde que viennent de quitter les
spectateurs pour entrer dans le théâtre.
C'est justement le rôle des artifices de la
représentation de les sortir de ce réel, plus difficilement
qu'avec le cinéma qui par la simple présence de l'écran
créé une distance. L'acteur est devant nous, avec sa fragilité.
Un rien pourrait faire basculer la représentation. Un rapport direct
est installé, avec ses conventions, où le spectateur a son
rôle à jouer. Toutes les techniques utilisées autour
devront tenir compte de ce rapport. Elles doivent jouer sur cette ambiguïté:
travailler dans le sens de cette réalité, de cette présence
physique identique à celle de tous les jours, et à la fois
la décaler de ce réel, transporter le spectateur dans des
lieux et temps irréels, propre à la représentation.
"La croyance profite de l'inattention au réel." (Belaval, 1981,
p13). il faut emmener le spectateur dans un monde fabriqué de toutes
pièces, même s'il reprend des éléments du réel,
Si on veut le prendre dans une histoire, sans risque de distanciation de
sa part qui nuirait au plaisir du spectacle.
Nous sommes dans un espace à trois dimensions.
il est clair que cela conditionne le travail d'un simple point de vue technique.
L'appareillage ne sera pas le même, et la notion de diffusion sonore,
c'est à dire de répartition des haut-parleurs dans l'espace
est primordiale en théâtre, plus que nulle part ailleurs.
Mais surtout, la diffusion du son au théâtre est hors norme.
La télévision utilise la monophonie
(un seul haut-parleur), bientôt la stéréophonie, comme
en Haute Fidélité. Le cinéma utilise par exemple la
norme THX la plus sophistiquée à l'heure actuelle. Il s'agit
d'une diffusion multicanaux, avec au minimum un point de diffusion pour
les dialogues, une diffusion stéréophonique pour la musique
et six points de diffusion pour les effets spéciaux.
il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une norme valable pour tous
les films. Pour les performances scéniques, le réalisateur
son a la chance de pouvoir choisir sa diffusion en fonction de chaque spectacle.
Elle pourra être:
-stéréophonique
pour la musique, suivant le même procédé que les chaînes
Haute Fidélité domestiques.
-monophonique pour l'illustration
sonore simple, avec un seul haut parleur placé selon l'effet désiré
(localisation précise, imprécise, détacher le son
du décor, ou l'inclure).
-Miriaphonique, pour reprendre
un terme proposé par Émile Leipp, avec un nombre variable
de haut-parleurs pour la simulation de décor sonore. Les haut-parleurs
pourront être placés en différents endroits, sur le
plateau ou dans la salle. il n'existe aucune limite de nombre.
Il faut insister pour tous ces cas sur la notion de profondeur de champ très spécifique au spectacle scénique, particularité très utilisée en danse contemporaine. Les sons sont spatialité en profondeur, aérant particulièrement la diffusion musicale ou sonore, créant un décor sonore, parfois seul élément scénique technique.
Le travail du son n'est pas figé, même s'il est sur bande. La régie du spectacle varie d'un soir à l'autre. Un spectacle vivant change à chaque représentation, du simple fait de la présence de comédiens qui ne reproduisent pas exactement la même chose tous les soirs. Le régisseur son doit contrôler la diffusion en fonction de chaque salie, des voix des comédiens, des différences de jeu selon les soirs, et même des éventuelles erreurs des comédiens. Le son pour le théâtre doit être adaptable.
Le son "ambiance" doit jouer avec la voix des comédiens. Il existe dans l'audition un phénomène dit de masquage: un son peut en cacher un autre! Pas question que le son vienne masquer la voix des comédiens. Or celle-ci varie selon les salles et les représentations. Le régisseur doit adapter le volume sonore en conséquence.
Le lieu théâtral lui même influe
sur la diffusion sonore. Les théâtres sont plus ou moins bien
isolés d'un point de vue phonique par rapport aux bruits extérieurs.
En cas de tournée, de passage d'un soir à l'autre dans une
autre salle, le régisseur devra tenir compte de cette isolation
phonique et de l'acoustique du lieu.
Enfin, de même que le comédien n'a
pas toujours la même intensité dans ses paroles, il n'a pas
toujours le même débit. il faut savoir adapter la technique
dans le temps, et s'adapter au rythme sans cesse changeant du spectacle.
Dans le domaine du cinéma et de la télévision,
le réalisme est le style utilisé dans la plupart des cas.
En création théâtrale, il n'est qu'un style parmi tant
d'autres, même Si ces styles n'ont pas forcément de noms précis.
Cela influe énormément la création dans le domaine
du décor, celui de la lumière, et également celui
du son. Le théâtre est un champ d'expérimentation fabuleux
pour toute personne passionnée par la création sonore, de
par la variété de tendances artistiques qu'il offre. De même
qu'il existe des styles musicaux, des styles de son vont probablement se
dégager dans les mises en scène modernes. On peut déjà
citer quelques réalisateurs qui ont imposé "leur son": André
Serré, Philippe Cacchia, Daniel Deshays.
On peut noter dans tout ce qui a été dit précédemment que le son et ses artisans sont aujourd'hui un peu isolés dans le monde du spectacle. Le chapitre 3 de ce mémoire montrera que cela n'est pas une vision subjective personnelle, mais correspond bien à ce que ressentent les professionnels du spectacle. Par ailleurs, on peut noter que cet isolement est récent et correspond à différentes évolutions qui ont séparé le travail du son du travail du visuel.
Il est donc bien important de se demander s'il convient de retrouver une cohérence entre le travail du décor, de l'espace et celui de l'environnement sonore. C'est sur l'un des rapprochements possibles que portera le chapitre 2 de ce mémoire.
Par ailleurs, il nous faut également trouver
un point d'accord sur les formes que peut prendre le son dans les mises
en scène actuelles, sur son apport possible. Pour cela, mieux situer
la vision du metteur en scène, du scénographe et des réalisateurs
son eux-mêmes. Voir Si les deux premiers sont conscients des nombreuses
possibilités du son, et Si le troisième est prêt à
répondre à leur demandes. C'est à ces questions que
tentera de répondre le chapitre 3.
Le chapitre 2 permettra de mieux me situer à
l'intérieur du champ de la recherche, à travers ma formation
et mes expériences professionnelles.
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