LA RÉALISATION SONORE POUR LE THÉÂTRE
VERSION «ALLÉGÉE » POUR UNE DIFFUSION HORS UNIVERSITÉ (Thierry BALASSE)
4 éme partie et fin


 
POUR QUE NAISSE UNE PROFESSION

UNE DÉFINITION D'UNE IDENTITÉ POUR LE RÉALISATEUR SON

LES NOUVELLES PROBLÉMATIQUES ET LES NOUVELLES TECHNIQUES DE TRAVAIL

    Si on se réfère à la proposition faite ci-après pour définir une profession, on constate que cette recherche aura apporté des éléments de réponse à deux des caractéristiques citées:

    "Nous considérons comme une donnée acquise que l'ensemble d'éléments caractérisant une profession soit constitué par:

- l'individuation d'une "nouvelle" aire problématique autonome par rapport aux autres, même Si elle était considérée jusqu'à ce moment comme appartenant à un domaine de problèmes plus amples;

- l'émergence d'un groupe qui se considère apte à traiter, pour le bien commun et avec les techniques dont il dispose, les problèmes "nouveaux". Ce même groupe arrive à la conscience d'avoir à se donner des règles autonomes sur son propre mode de fonctionnement et sur sa reproduction (comment on entre dans le groupe, à quelles conditions on peut y rester en tant que membre, pour quelles raisons on peut expulser quelqu'un, comment on prépare les nouveaux adeptes?);

- la définition toujours plus raffinée de techniques et de styles d'intervention propres au groupe, originaux par rapport aux techniques avec lesquelles l'aire problématique investie était traitée dans la phase où l'on n'avait pas encore définie sa spécificité." (Augusto Palmonari et Willem Doise, 1986, p 24).

    Le chapitre 1, avec l'historique du son au théâtre, et le chapitre 3 mettant en avant les formes particulières que peut prendre le son au théâtre, et les compétences particulières qu'ils supposent, montrent à quel point le son ne peut plus être aujourd'hui géré par des techniciens formés plus spécifiquement pour l'audiovisuel ou d'autres formes artistiques. Le son au théâtre est une réelle spécialité, qui suppose une approche du travail de création et de réalisation technique tout à fait particulière. On constate donc bien cette notion de "nouvelles aires problématiques" citée plus haut.
Nous parlons bien d'une technique spécifique à l'intérieur des techniques du spectacle.

    Pour la "définition toujours plus raffinée de techniques . ..", on se reportera au chapitre trois, qui a montré à quel point les techniques de travail de sonorisation doivent être travaillées suivant un style très particulier, propre au spectacle vivant, et exigeant des compétences très pointues en psychologie de l'audition, et techniques de diffusion.

    Nous parlons bien d'un son spécifique pour le théâtre à l'intérieur des domaines du son.
La troisième caractéristique citée, "l'émergence d'un groupe" reste sans doute à vérifier plus particulièrement, même Si les entretiens réalisés semblent confirmer cette tendance.

    Par ailleurs, les conclusions du chapitre 2 doivent aider à la prise de conscience de la part des artistes et des metteurs en scène de l'enjeu qu'il y a à travailler le son dans une bonne direction, et des compétences particulières que cela suppose. Le réalisateur son doit être partenaire reconnu pour son rôle essentiel et les qualités qu'il demande. Dans le propos qui suit, Mucchielli confirme l'importance de cet angle de vue: "Dans l'ensemble de ces sentiments, les sentiments d'appartenance, de valeur et de confiance semblent plus importants que les autres, car ils prennent leur racine dans l'identité communautaire qui constitue, quant à elle, le fond anthropologique de la participation affective de tout homme à son groupe social." Mucchielli, 1992, p119).

UN NOM POUR UN MÉTIER?

    On peut voir par différents signes que cette profession est en quête d'une appellation. Cela se sent par l'ensemble des directions prises par ces derniers dans leur demande de libellé sur les programmes des spectacles. Mais on peut également le voir dans les pistes lancées par certains syndicats. Voyons par exemple un extrait de "Synthèse info" bulletin de liaison des adhérents de Synthèse, syndicat indépendant des techniciens intermittents du spectacle vivant, Bulletin n02 du mois de janvier 1992: "Concepteur (trice) sonorisation: Assure la conception artistique du son. Remet les indications nécessaires à l'élaboration technique du concept au régisseur. Garant du rendu auprès du producteur et du directeur de production. Compétences artistiques, a de la "feuille", des connaissances acoustiques, sait établir une conduite; connaît les matériels existants sur le marché, leur utilisation et leur rendu."

    On constate que le terme de « concepteur » n'a jamais été cité dans les entretiens réalisés, Nous ne trouvons toujours pas de point de ralliement dans cette appellation. Sans doute une concertation générale de la profession serait à proposer, afin de convenir d'un nom qui pourrait enfin faire son apparition dans les différentes conventions collectives du spectacle.

    Ce travail veut rejoindre le point de vue exprimé par Sainsaulieu: "S'il y a système, il est tout autant celui des forces sociales qui pèsent sur l'avenir que celui des acteurs et même des individualités qui, en fabriquant leur identité, constituent aussi les forces et principes de reconnaissance du futur." (Sainsaulieu, 1986, p286).

UNE OUVERTURE POUR LE FUTUR

    Je pense qu'il reste encore un gros travail à accomplir pour faire mieux connaître et reconnaître cette profession "renaissante". La formation pourrait être un support utile:

LA FORMATION INITIALE

    Il faut tout d'abord créer une formation initiale de responsable du son pour le théâtre. Comme je l'ai déjà dit, l’Ecole Nationale Supérieur des Arts et Techniques du Théâtre semble vouloir travailler dans cette direction à partir de la rentrée prochaine. Pourtant, il faut bien constater qu'en choisissant de recruter à un niveau Bac +2, elle impose à ses candidats de passer par un BTS audiovisuel, au cours duquel ils vont être formés à des techniques ne tenant pas du tout compte des spécificité du spectacle vivant. Souhaitons tout de même que ce projet voit le jour dans de bonne condition, et qu'il prenne en considération les techniques particulières à apprendre pour mieux affronter cette profession très spécialisée.
Le Centre de Formation Professionnelle des Techniciens du Spectacle propose de son côté une formation initiale de régisseur son, amenant à un diplôme homologué niveau 3. Cette formation tient réellement compte des particularités du spectacle vivant, et s'inscrit dans une dynamique proche des conclusions de ce mémoire. Il faudrait toutefois prolonger un peu le temps de la formation pour arriver à une réelle qualification de réalisateur son.

LA FORMATION CONTINUE DES TECHNICIENS DU SON

    La formation continue est également un vecteur important de modification des habitudes prises. On peut effectivement proposer à des techniciens en place dans des lieux, ou intermittents du spectacle, travaillant déjà dans les techniques du son, de prendre le temps d'une formation complémentaire, les sensibilisant aux particularités du théâtre, et les formant aux techniques à utiliser dans ce cadre. Une initiative allant dans ce sens a été prise récemment par le Centre de Formation Professionnelle des Techniciens du Spectacle, mais il faut bien constater qu'elle ne trouve pas encore d'écho très significatif de la part de la profession.

LA FORMATION DES METTEURS EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHES

    Enfin, il ne faut pas négliger le travail de sensibilisation des metteurs en scène et des scénographes qu'il reste à accomplir. il n'existe pas réellement en France de formation initiale à la mise en scène. La formation continue est donc le seul moyen pour leur proposer une découverte des possibilités du son, des contraintes mais surtout de la richesse que cela peut apporter à leur façon d'aborder leur création. fi faut remarquer qu'une proposition équivalente existe au Centre de Formation Professionnelle des techniciens du Spectacle pour la création d'éclairage, ce depuis quelques années, et qu'elle commence à peine à être reconnue par les personnes concernées.

    C'est l'institut Supérieur des Techniques du Spectacle, à Avignon, qui est le plus dynamique dans cette aspect des choses puisque Daniel Deshays, réalisateur son, y propose une fois par an un stage de sensibilisation à la création sonore pour le théâtre.

    Pour les scénographes, l'effort peut être fait tant en formation initiale qu'en formation continue. il s'agit d'intégrer le son dans leur cursus de formation, d'une façon aussi importante que le travail de la lumière. il me parait essentiel qu'un scénographe puisse avoir une conversation aisée avec un réalisateur son, afin de lui faire comprendre simplement ce qu'il attend de son travail, ce qu'il entend lorsqu'il pense à son futur espace de jeu.

    Afin de terminer ce mémoire par le domaine initial de toute représentation théâtrale, le texte; pour mettre l'accent sur la richesse potentielle du son exprimée par un auteur de théâtre, et sur la symbiose possible entre les différentes sensations que peut éprouver un spectateur, je citerai cette très belle fin de "Par les villages", de Peter Handke:

"Le ciel est grand. Le village est grand. La paix éternelle est possible. Écoutez la musique de caravane. Suivez le son qui pénètre tout, englobe tout, rend compte de tout, redressez-vous tout en mesurant et sachant, soyez vers le ciel. Voyez danser les pulsations du soleil et fiez-vous à votre coeur qui bout. Le tremblement de vos paupières c'est le tremblement de la vérité. Laissez s'épanouir les couleurs. Suivez ce poème dramatique. Allez éternellement à la rencontre. Passez par les villages."

(Peter Handke, Par les villages)

FIN

Les ouvrages qui ont étaient lus ou consultés par l'auteur de ce mémoire son présent dans la page suivante:

Les livres
 

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